AVIS DE RECHERCHE, EPERDUMENT EXTRAIT

09/05/2014 18:02

Elle est là, comme tombée de nulle part. Chaque minute se fond dans le néant. Elle sait seulement que ses pas ont déjà foulé cet asphalte éventré par les travaux du tram, qui font ressembler cette ville à un gigantesque site archéologique en plein air. Mais comment retrouver une once de ce passé dans ces rues où les pierres elles-mêmes sont à l'envers ?       

Trainant son incroyable valise, qui n'en a plus que le nom, elle progresse péniblement, la rue est en pente. Munie du plan que son logeur avait heureusement glissé dans son dernier courrier, elle tente de se repérer, fraîchement débarquée par le train de 18 h 30. Elle a quitté le matin même l'établissement où elle était en convalescence.  Malade ? Qui aurait pu mettre un nom sur sa pathologie ? Aurait-elle retenu de toute façon les termes un peu barbares dont se sont servis les médecins ? Elle est paraît-il guérie. De quoi, grands dieux ? Par conséquent, il lui
fallait libérer sa chambre, trouver un autre point de chute, faire le grand saut dans l'inconnu. Qu'importe, après tout, elle constate simplement qu'elle est seule au milieu de cette foule qui l'ignore et comment en serait-il autrement du reste, puisqu'elle ne connaît personne, du moins le
croit-elle ; elle n'a aucun souvenir des rues dont elle arpente les trottoirs, au point qu'elle craint un instant s'être trompée de destination, si
ce n'est ce billet oblitéré glissé dans sa poche, d'où elle l'a déjà retiré un million de fois pour se rassurer. On l'avait prévenue : tout pouvait lui
revenir en vrac, exploser dans sa mémoire. Il lui faudrait alors rassembler, ordonner à la manière d'un puzzle, pour qu'elle se remette en ordre.

Ou pas...

Mais comment retrouver une once de ce passé dans ces rues où les pierres elles-mêmes sont à l'envers ? À croire qu'elle n'avait jamais marché que tête baissée, pour échapper à ses souvenirs. Alors, à quoi bon s'entêter à retrouver une identité qui passe obligatoirement par l'ouverture de cette porte condamnée ? Tout ce qu'elle possède tient dans ce bagage cabossé qu'elle a réussi à fermer à l'aide de tendeurs. L'impasse dans laquelle elle s'engage lui fait l'effet d'un coupe-gorge, avec ses pavés disjoints ralentissant sa progression, ses hauts murs qui ne laissent filtrer que faiblement la lueur du jour, la rigole au milieu de la chaussée drainant les eaux pluviales. Cette ruelle se termine en patte d'oie, juste à l'adresse qui lui a été indiquée ; devant elle, une petite place sur laquelle s'ouvrent quelques commerces la rassérène quelque peu. Arrivée à destination, elle récupère la clef de son appartement chez le concierge, sans s'attarder davantage, pressée de se retrouver seule. Consciencieusement, elle range avec un soin maniaque ses maigres affaires, vestiges d'une vie antérieure dont elle n'a aucun souvenir. Même pas une photographie qui tenterait à prouver que quelqu'un sur cette terre sait qu'elle existe, quelqu'un à qui elle manquerait... Son maigre pécule ne lui permet aucune fantaisie gastronomique, on lui a dit de se présenter à l'antenne locale du secours populaire, où elle pourra s'approvisionner pour la semaine. La carte qui lui a été remise en sortant de l'hospice lui servira de sésame pour cette association caritative, du moins, provisoirement. Mais ça ne lui dit toujours pas pourquoi elle est là, quelles sont les motivations qui leur ont fait choisir cette ville plutôt qu'une autre ? Du reste, qui sont-ils ? Depuis sa libération, elle se sent épiée, manipulée, mais elle met ce malaise sur le compte de son dépaysement, aussi s'efforcera-t-elle à sortir tous les jours après tant de mois d'enfermement. Bien qu'elle se soit calfeutrée à double tour sitôt arrivée, ce sentiment d'incertitude, d'insécurité ne la lâche pas pour autant ; elle se retient de regarder sous le lit, comme quand, enfant, on l'accablait de récits de fantômes, d'histoires à dormir debout... elle n'ose pas faire de bruit, convaincue que ce seul signe de vie allait l'exposer à la curiosité de ses voisins.

Avis de recherche, éperdument  140 PAGES 

ISBN 978 2 36728 013 4

Editeur : Les Plumes d'Ocris à MELUN


CHIMERE(S)

EXTRAITS

09/05/2014 18:18
L'histoire qui va suivre est totalement imaginaire, il ne servirait à rien d'y chercher quelque ressemblance que ce soit...Quoique... les jumeaux ne se ressemblent-ils pas ? Par la magie des croyances et autres superstitions, l'esprit navigue, cherche et croit trouver les réponses à ses...